Rapport annuel 2022
Un homme s’exprime lors d’un reportage à Metlaoui, dans l’ouest de la Tunisie. © Gwenn Dubourthoumieu / Fondation Hirondelle.

Appui aux médias indépendants en contexte fragiles

On collabore davantage avec des médias locaux sur le terrain. C’est ce qu’on appelle la localisation de l’aide. Trois directeur•trice•s exposent les défis majeurs des médias indépendants dans des contextes fragiles.

Depuis 2021, le magazine Frontier Myanmar est contraint de produire le podcast et les vidéos sur les droits humains Doh Athan (Notre voix) en exil. Éditrice principale du podcast Doh Athan, Win Zar Ni Aung explique pourquoi le soutien aux médias indépendants birmans est aujourd’hui nécessaire.

« Les médias indépendants du Myanmar sont réduits à la clandestinité et dépendent largement de l’aide internationale. En raison de la situation politique extrêmement tendue, un grand nombre de journalistes ont dû fuir le pays et vivent aujourd’hui dans l’illégalité en Thaïlande. Nous devons soutenir non seulement ces journalistes réfugié•e•s, mais aussi les journalistes resté•e•s au pays qui travaillent au péril de leur vie. Le régime de la censure empêche les médias de couvrir les nombreuses violations des droits humains. Au-delà de l’arbitraire, les autorités invoquent régulièrement un cadre légal flou qui punit de plusieurs années de prison les fausses informations, la diffamation ou la simple contestation d’une information par un tiers. Or, la liberté des médias contribue dans une large mesure à la protection de tous les autres droits humains. Ce sont les journalistes d’investigation qui ont révélé bien des cas de violations de droits humains. Il est nécessaire d’effectuer davantage de reportages d’investigation, ce qui requiert du temps et des moyens. »


Studio Sifaka est un studio de production multimédia destiné aux jeunes malgaches, créé en 2019 par les Nations unies en partenariat avec la Fondation Hirondelle. Depuis juillet 2021, Studio Sifaka est une entité indépendante. Son directeur Harison Ratovondrahona souligne que l’indépendance des médias est un défi juridique mais aussi financier.

« Même si le financement de Studio Sifaka en tant que projet a pris fin en juin 2021, nous avons maintenu la programmation radiophonique. Studio Sifaka s’est mué en ONG nationale et s’est ouvert à divers types de partenariats pour assurer la durabilité de cette programmation radiophonique par les jeunes et pour les jeunes. Ces deux dernières années, la Fondation Hirondelle nous a soutenus dans le renforcement des capacités institutionnelles managériales, en gestion de projet, mais aussi autour de la recherche de financement et de génération de revenus. Depuis, nous avons réussi à capitaliser nos acquis. Nous avons agrandi notre équipe avec l’embauche de quatre journalistes et quasiment doublé le nombre de radios partenaires qui diffusent notre programme. Nous sommes désormais un acteur reconnu et établi dans l’environnement médiatique du pays. La priorité aujourd’hui est l’acquisition de licences et de fréquences radio, tout en maintenant le réseau de 42 radios locales partenaires, qui couvre près de 63 % de la population totale de Madagascar. »

Depuis 2020, la Fondation Hirondelle met en oeuvre le volet médias du projet pour la « Participation Active des Citoyennes et Citoyens Tunisiens » de la Coopération suisse en Tunisie. Le responsable du programme Thameur Zoglami rappelle que les médias de proximité indépendants sont nécessaires à la démocratie.

« Nous souhaitons rapprocher les antennes régionales des préoccupations de la population. Cela passe par la mise en place d’un réseau de correspondant•e•s professionnel•le•s et formé•e•s sur les questions relatives à la gouvernance locale, qui renforcent la proximité de l’offre éditoriale des stations. Les médias locaux deviennent ainsi des outils d’information et de suivi des politiques publiques. Ils contribuent à la redevabilité, au dialogue et à créer de la confiance entre gouvernants et gouvernés. Nous souhaitons donner une voix aux personnes oubliées d’un système politique encore très centralisé. Bien que la population rurale représente 60 % de la population totale, les préoccupations du monde rural ne sont pas relayées auprès du gouvernement. La plupart des gouvernorats utilisent désormais les réseaux sociaux pour s’informer. Des médias forts et indépendants sont indispensables au bon fonctionnement de la démocratie. Ils garantissent une gouvernance locale plus inclusive et citoyenne. »

Un animateur de la radio Munku range son casque après une émission, dans le territoire de Mbakana en République démocratique du Congo. © Justin Makangara / Fondation Hirondelle.
Un animateur de la radio Munku range son casque après une émission, dans le territoire de Mbakana en République démocratique du Congo. © Justin Makangara / Fondation Hirondelle.